Rien n'a changé

Je regarde ma ville où l’espoir d’une rencontre n’est plus.

Rien n’a changé.

Ni le débit du fleuve, ni la course des nuages.

Ils sont des centaines, à courir ou flâner

Comme un autre autrefois. Cette ville l’a englouti.

Ma plume est sèche, je me réchauffe à une tombe.

Les pavés mouillés, le ciel changeant sur les clochers, rien n’a changé.

Les aubes naissantes dans leur cruelle indifférence

Semblent n’avoir pas même remarqué son absence.

Il n’est plus et rien n’a changé.

Et tout cet amour qui me reste sur les bras,

Comme il est lourd à présent qu’on l’a couché dans le froid.

Ma bouche s’embouteille de tous les mots qu’on ne s’est pas dits

Dans un goût de gâchis, de vermine, de poussière.

Et tout ce temps qui reste… Les larmes ne m’aident plus.

La grâce peut survenir à n’importe quelle heure,

Le réconfort d’un livre ou du ciel d’Italie.

Quel bonheur imprécis dessine déjà pour moi l’horizon de ma vie?

Puisque rien n’a changé…

Des soirs et des matins brilleront sur mes jours

Mais à qui raconter maintenant qui je suis?

Je ne pleure pas sur un homme, il en est des milliers

Je pleure comme celui-là m’aimait

Comme nul autre que lui, ni avant, ni après.

J’imagine des rencontres, des sourires, des frottements

Une vie à demi, vide de l’enchantement

Qu’il posait sur mon âme affamée de tendresse

Je suis un chien perdu, sans maître et sans caresse.

Un peu de rose est remonté à mes joues

Et déjà la saison la saison étire ses derniers jours

Bientôt un autre hiver captera l’attention

Des hommes et des enfants ignorants des cimetières.

Je devrai moi aussi allumer des guirlandes

Puisque rien n’a changé

Il faudra remercier de tant d’amour offert

Au pied de l’arbre sacrifié, s’amasseront les présents

Mercantiles et futiles, enrubannés et chers

Qui prouveront ô combien ceux qui restent m’aiment encore.

Mais moi dans les senteurs d’épice et de cannelle,

J’implorerai le ciel vide de toute présence

De condamner mon coeur à sa peine singulière

Prisonnier perpétuel de son amour sincère.

Et quand l’année nouvelle, première de son absence

Fera ses premiers pas sur ma ville un peu ivre

Je garderai à l’esprit cet automne un peu gris

Et ce matin d’octobre où tout me fut repris.


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