Ami, amie

De ces temps mystérieux qui succèdent à l’enfance

Je n’ai ni nostalgie, ni même souvenirs précis.

Nul âge n’est mythifié comme l’adolescence

Elle n’évoque pour moi que le vide et l’ennui.

Pourtant c’est de ce temps que me vient aujourd’hui

Ce plaisir insensé, l’inestimable chance

De pouvoir dire de toi «  il est de mes amis »

Mots simples et sans effets, purs comme une évidence.

 

Je ne crois pas au destin mais de notre rencontre

Je dis sans ironie que tout était écrit.

Qu’il n’est pas une horloge, une pendule, une montre

Qui n’ait sonné ce jour l’heure de nos premiers cris.

J’avoue ne pas avoir ressenti sur l’instant

Tout ce dont ce moment nuançait de magie.

Je n’ai pas vu tout de suite le philtre bienveillant

Que contenait ton regard sur le noir de ma vie.

 

Bien sûr il te fallut sacrifier au mythe.

Tu ne me fis pas l’offense d’oublier ma conquête,

Les jeunes femmes en ce temps étaient ton plus doux rite

Elles cédaient en souriant à tes tendres requêtes.

Alors pour m’amadouer tu me citais Baudelaire

En flattant mon ego de jeune fille ordinaire,

Moi je voulais durer plus longtemps et plus fort

Aussi mes dix-huit ans  t’ont refusé mon corps.

 

Je me fis innocente, ingénue et fuyante

D’autres dans leur orgueil y auraient vu l’affront

Tu transformas l’essai en amitié naissante

Sans la moindre amertume pour celle qui a dit non.

Lorsque les heures furent noires et mères de trahisons

Toute ma fierté d’alors fut d’être à ma façon

Source de réconfort, bienveillant compagnon

Une présence à l’appel quand tombent les illusions.

 

Près de vingt ans déjà nous séparent de ce jour

Indistinct et sacré où nous nous sommes trouvés

Dans ce bar improbable, où je séchais mes cours

Moi l’enfant sur le tard, toi l’homme de riche passé.

D’autres affinités t’avaient déjà ému

J’étais là par hasard, par paresse, par dépit

Ignorante des amours, des amants, des amis

Mais le miracle eut lieu, nous nous sommes reconnus.

                             


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