Quelle est cette vertu insolente et sacrée
Qui toise notre monde de son oeil de poupée,
Divine et généreuse quand née de la nature
Elle pare nos quotidiens de ses couleurs d’automne,
Funeste et dangereuse lorsqu’elle tente les hommes
D’improbables artifices inavoués et impurs.
Les jeunes filles s’affament sous ses ordres déments
Des garçons perdent leur âme en rituels aliénants.
Du haut de son pouvoir cet être bicéphale
Dispense à l’infini ses mille perfections,
Puis juge sans pitié vote la condamnation
Des pauvres insensés l’ayant choisie pour Graal.
De tous nos idéaux, atteints ou espérés
Aucun n’est plus secret que rêver la beauté.
Pourtant cette espérance, désir de retenir,
Cette promesse de vie plus légère, plus sucrée
Ne s’avoue qu’à demi, se teinte d’humilité,
Comme si se vouloir beau ne se pense qu’en rire.
Eblouissante parfois, d’une brillance de verni
Elle s’offre chaque jour aux recoins de nos vies,
Misérables nous sommes de passer sans la voir.
A l’heure de nous taire muets d’admiration
Nous piaffons d’impatience, avides de possession
Ne sachant regarder, nous ne voulons qu’avoir.
Quelle vaine prétention que la définir
Source miraculeuse de divers élixirs
La beauté est un astre aux milliers de rayons.
Elle est fille de vertu, elle est mère du vice
Par naissance divine, sa soif de sacrifice
Boit à la foi des hommes le sang de leur passions.
La beauté est cadeau, le sourire d’un enfant
La beauté est un leurre, une fille de vingt ans
Puis elle devient regret, une femme a vieilli.
La beauté est miracle, une rose en bouton
Sur une note de Mozart, elle n’est plus qu’émotion
La beauté sur palette des fleurs de Giverny…
Plutôt que la chanter et plutôt que l’attendre
Devrions nous saluer, protéger et défendre
A jamais les trésors qu’elle nous abandonne.
Eternelle présence, comme la lumière du soir
La beauté est une reine que nul n’emprisonne
Juste goûter l’instant et notre chance de voir.
Luxe suprême des hommes la beauté se mérite.
Sous ses airs de putain ouverte comme un calice
Offerte aux quatre vents, aux gueux comme aux élites.
Alors de nos mépris elle se fait des pelisses
Pour étouffer demain ceux de nous qu’elle invite
Au bal des vieux amants dévoués à ses caprices.
Écrire commentaire