La dictature du bonheur pour tous

La lassitude ma prend, nuancée d’une pointe d’agacement. Depuis quelques années, nos sociétés si merveilleusement modernes se sont offertes à un nouveau crédo: le bonheur. À tout prix, tout de suite, tout le temps, partout. C’est si simple, il ne serait qu’à l’intérieur de nous. Mais comment n’y avait-on pas pensé avant? Heureusement aujourd’hui il existe des coachs fabuleux en développant personnel agrégé es bien-être ou autre sérénité. Ils nous enseignent la zénitude, la communication non violente et la paix intérieure. Pour quelques euros, mais le bonheur n’a pas de prix, nous aurons tous au bout des doigts et du chagrin le suprême savoir d’être nous en mieux. Regardons pousser les arbres, aimons les animaux et les enfants, sourions à nos voisins et ouvrons nos chakras. De penser le monde il n’est pas ici question. De penser tout court non plus d’ailleurs, au contraire devrions nous être reconnaissants à ces gentils animateurs de nous apprendre à devenir de si mignons petits moutons au milieu du chaos. L’important n’est-il pas d’être heureux malgré l’enfer des autres et malgré soi parfois. Ces sympathiques gourous d’un nouveau genre sauraient donc mieux que nous le chemin à emprunter pour résoudre facilement chacune de nos équations individuelles, fatras hybride de la psychologie bien pensante, de la philosophie de comptoir et du désarroi généralisé. Ils n’ont qu’un but: nous faire enfin accéder à cette béatitude débilitante symbole de l’homme nouveau.

Je n’en peux plus de cette injonction permanente à la joie de vivre soluble dans tous les modèles de société que cette nouvelle rentrée pseudo littéraire nous sert à toutes les têtes de gondole du premier temple de consommation venu. Il y en a pour tous et chacun. Comment gérer son stress, ses enfants, son boulot, ses amours, ses complexes, etc. Tout y est décortiqué, avalé, digéré avec à la clé la même promesse éculée: vous aussi vous serez heureux. Il le faut, ce serait si dommage de s’en priver, c’est là à portée de main, il n’y a qu’à se servir. Nos traumas, nos névroses, nos regrets et nos culpabilités n’ont qu’à bien se tenir, nous pouvons tout surmonter.

Assez! Je me fous de votre bonheur de pacotille, je préfère ma désespérance éclairée sur la complexité des hommes et de leur vanité. Je n’achèterai pas de manuel du bonheur pour les nuls. Je ne mettrai ni au yoga, ni à la méditation et je ne m’imposerai pas non plus des ateliers fous-rires à partager sur commande.

Lisons et relisons plutôt La Boétie « Discours de la servitude volontaire » c’est intéressant aussi de comprendre comment on domine les ignorants.


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