Être passée par là, au hasard de la vie
C’est avoir fait le choix d’un doute sans répit.
Se pencher sur le vide d’un tendresse infinie,
Autour d’ un berceau blanc cruel comme une toupie.
Éternellement manquer des joies et des soucis
Que nous offre un enfant quand on lui donne la vie.
Et pour ceux que l’on perd ou ceux que l’on trahit,
Ceux que de notre chair on condamne à l’oubli?
Où vont ses petites âmes que l’on ne peut cueillir
Que l’on ne peut faire pousser autrement qu’en regrets.
Imaginent-elles au loin comme on peut les pleurer?
Et que de leur naissance on s’est fait un bûcher,
D’un infinie souffrance, de culpabilité.
On fait tout un silence, on ne peut même pas prier
Quel Dieu dans sa clémence pourrait nous pardonner?
Absoudre notre errance, dénouer le repentir…
Des détails les plus vains on se fait des secrets,
Savoir celui ou celle qu’on ne connaîtra jamais.
Du fond des nuits sans rêve, lui donner un prénom
Du fond des jours sans trêve, lui parler. À quoi bon?
Quelle espérance folle, quelle funeste illusion,
Quelques instants à croire qu’ils nous accordent pardon?
D’un battement de paupière revenir à la raison
Se retrouver par terre, le coeur en abandon?
Combien de fois, combien d’années, combien de temps
Va-t-on pouvoir passer à compter sur nos doigts
Le rythme d’une vie qui n’existera pas.
Saison de sa naissance, tous nos sens aux abois
Les bougies allumées qu’il ne soufflera pas
Et combien de baisers volés à notre émoi?
Toute cette éternité à vivre de guingois
Les jours à pas comptés, ceux qu’il ne fera pas.
L’infernale dérision de ces êtres maudits
Condamnés à hanter leur mère de leurs esprits
Est de marquer au fer le monde de leur oubli.
Petites âmes légères dont le poids infini
D’une absence délétère pèsera sur nos vies.
L’ironie singulière de ce deuil imprécis
Est d’idéaliser ceux qui ne seront pas nés
En faire de nos enfants ceux qu’on a le plus aimés.
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