Dans ma ville une rue m’est comme une jumelle
Elle offre ses pavés à tous les modes de pas,
Aux passants, aux pressés, aux flâneurs, aux touristes
On ne la regarde vraiment que la première fois,
Ou si elle s’enguirlande des brillances de Noël.
A son passé rugueux, personne ne s’intéresse
Les façades suffisent aux yeux indifférents,
Leur histoire est si vieille qu’elle est devenue belle.
Voilà déjà longtemps que plus personne n’habite
Ses intérieurs d’hier poussière de colombages.
On s’y donne rendez-vous, on y mange, on y boit
Quelques menus achats et ensuite on s’en va…
Ses pavés sont glissants, mieux vaut ne pas s’y fier,
Alors quand le soir tombe sur son âme vénérable
Chacun rentre chez soi dans les rues d’à côté.
Ses nuits de vide et de silence, la fière
Les savoure, le calme retrouvé,
J’imagine quelquefois des larmes sur son passé…
Le cortège des heures lui sert de bijou,
C’est son intimité, son savoir et sa gloire
Elle y a mis ses dorures, sa beauté, son histoire.
Elle jette toutes ses forces dans la lutte insensée,
Gagner contre le temps, impensable victoire
D’une présence fidèle, viser l’éternité.
Quand je hasarde mes heures à son vagabondage
J’ai pour ses obsessions de vieille femme un peu large
Un sentiment diffus de tendresse et pitié
Je lève alors la tête pour ne pas voir de près
Combien dans les vitrines, son visage a changé.
Les nombreux artifices de nos temples modernes
Nous sont à elle et moi une offense et une peine…
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