La magie de Noël

Comme chaque année, Novembre charrie ses catalogues de jouets Made in China et autres étalages chocolatés qui feront à coup sûr de nos enfants de bons petits soldats d’un société de consommation aussi débilitante que sanitairement toxique. 

Dans quelques semaines, j’ornerai mon salon d’un sapin, un vrai, venu des forêts du Morvan. Il sentira l’hiver, sera vert et souple au toucher. Rien à voir avec ces immondes artéfacts de plastique bleu ou rose donc les fausses épines d’aluminium me font l’effet d’une vieille femme pathétique qui aurait trop forcé sur le fard à paupières. 

Je mettrai des enfants devant et me délecterai de leurs yeux clairs ou sombres qui brillent devant les guirlandes que l’on aura accrochées, ensemble. Je leur expliquerai la magie de Noël telle que je la conçois c’est-a-dire un peu la vie telle qu’elle pourrait être. À savoir que le plaisir peut se rencontrer « en vrai » sans le filtre d’un écran, qu’on peut jouer à plusieurs, ensemble. Je leur montrerai que dans les livres aussi on peut rencontrer des héros merveilleux, on peut même sortir, jouer dehors, s’identifier et réinventer l’histoire, ensemble. Je leur préparerai du chocolat chaud aux épices et des biscuits à la cannelle, ils en auront partout sur le bord des lèvres et passeront leur langue dessus avec gourmandise. On rira de ces moustaches improvisées, ensemble. Je leur ferai écouter des chant de Noël, des vrais, émouvants à en pleurer, pas ceux qu’on entend à Disneyland tout juste conçus pour faire hurler les bambins jusqu’à ce que leur mère à bout de nerfs sorte enfin les quelques euros nécessaires à l’achat du CD qu’ils n’écouteront jamais. Chez moi ils entendront White Christmas, la version de Sinatra, ensemble. Je leur montrerai l’incomparable bonheur d’une partie de cache-cache ou d’un deux trois soleil et s’il leur reste assez de rire je leur raconterai l’histoire du petit renne au nez rouge. Ils m’écouteront attentifs et souriants, ensemble. On écrira au Père Noël, le vrai, celui qui habite en Laponie et qu’on ne voit jamais. Cette lettre bien sûr, sera écrite à la main sur un beau papier, un peu buvard qu’on aura décoré d’étoiles et de flocons. Elle sera longue, pas question de faire une liste, on va s’appliquer, faire de belles phrases dans une jolie écriture en lettres attachées d’une couleur qu’on aura choisie, ensemble. On préparera des petits cadeaux qui coûteront trois sous, préparés avec beaucoup de temps et d’amour. Je leur apprendrai la crèche, les santons, l’avent, la bûche, les rois mages et l’étoile du berger. Je leur prouverai qu’il est possible de penser le monde par soi-même, qu’ils ne sont pas obligés de grandir sous les injonctions d’une société qui décide déjà pour eux de qui ils sont et de comment ils doivent se comporter. Je leur soufflerai comment se faire confiance, en eux et entre eux, quelle force ils ont à puiser dans leurs différences, quelle richesse est la curiosité, quel pouvoir est l’indépendance et surtout je leur confierai la chance qu’ils ont de pouvoir tout oser, ensemble. 

Enfin, je leur dirai qu’ils sont beaux, importants, qu’ils comptent et que j’ai un peu honte de ce monde adulte auquel j’appartiens. Que je suis désolée de toutes les errances de ma génération qui les fait grandir aujourd’hui au milieu de tous les dangers et dans toutes les insécurités. Matérielles, affectives, émotionnelles et projectives. 

Qu’ils sachent au moins que certains dont je fais partie ne les condamnent pas, ne se résignent pas, ne démissionnent pas et qu’ils pourront toujours venir frapper chez moi si l’envie les prend quelquefois de vivre, ensemble…


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