Mon chagrin

L'air feutré de la nuit immisce l'interstice

De ma fenêtre ouverte sur la ville endormie,

Le soir est déjà mort, le matin encore loin

Et dans ce courant d'air je veille mon chagrin.

Je le berce, le rassure comme un enfant malade,

Je serai là toujours, qu'il s'endorme tranquille

Demain à son réveil ma main touchera son front,

D'une caresse semblable à celle d'un amant,

Infidèle mais docile je reviendrai chez lui.

Où pourrais-je donc aller ailleurs qu'en son rivage

J'y vis depuis longtemps, je ne connais que lui,

Nous sommes un vieux couple encore un peu épris.

Même si nos cœurs souvent se heurtent et se bataillent 

Il me cherche tout le temps, il me veut tout à lui.

Même sur mon sourire il pose ses conditions:

Ne t'attarde pas trop et rentre avant la nuit.

Je n'ai plus de révolte à lui appartenir

Au fond il me protège de ses charmants amis.

Des tristesses fulgurantes, des peines infinies

À se mouiller les yeux, à sauter dans le noir

À risquer sur une heure un peu plus que sa vie.

Moi je n'ai rien à craindre de ces désespérances

Mon chagrin les éloigne, jaloux de ma folie

Plus rien ne peut entrer dans mon cœur meurtri

Serait-ce même aussi fin qu'un papier d'Arménie.

L'air froid se fait plus vif et quémande un frisson,

Cette fenêtre entrouverte m'appelle et me murmure

Ce qui attend dehors, le bruit, le vent, la pluie

Et plus loin le soleil, la chaleur, l'harmonie.

Je ferme la fenêtre mon chagrin assoupi

Aura besoin de moi pour s'offrir mes envies,

Sur lesquelles il posera de la mélancolie. 


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