La nappe

Une nappe sur la terrasse,

Le soleil encore en flocons

De sa caresse timide

Lui tient la promesse du printemps à venir.

C'est le serment des beaux jours

Aux matins de lumière

Et du temps long

Qui filera sur nos jours,

Comme l'eau d'un fleuve en mal de mer.

Nos ruses de laines pliées dans l'armoire

Pleureront l'hiver d'une larme non résignée.

Nous nous réchaufferons au doré de nos peaux

Et aux odeurs de lavande.

La beauté des femmes calfeutrée de manteaux longs

Se vengera de robes légères

Virevoltantes dans la brise du soir.

À leurs jambes les mains des hommes

Mendieront l'amour

Comme l'eau à l'orée du désert.

Plus loin sur la colline

Tout un peuple de vies

Renaîtra dans l'azur.

Des tiges et des pattes

Bruisseront sur le couchant.

Par la fenêtre restée ouverte

La lune nous racontera l'histoire

De tout ce qui revient

Que l'on croyait perdu

Dans une heure de givre.

Les secrets des jardins,

La nature ingénue.

De la chaleur nouvelle

S'éveillera l'arrosoir

Qui reprendra sa place

Aux habitudes du soir.

Les chats s'alanguiront

Au tiède des herbes folles

Abandonnant aux hommes

Le moelleux des coussins.

Le vert revanchard partout sur les chemins

D'une présence obsédante

Embaumera nos chagrins,

Amoindris par l'espoir de la consolation

De la plume d'un vent et du feu d'un rayon.

Quelques nuages flâneront refusant de mourir

Humiliés et fuyants dans nos éclats de rire.

De temps en temps l'averse simulera la colère

D'un ciel encore tenté par le gris de l'hiver.

Fantaisie inutile,

La valse des saisons n'a d'unique destin

Que le temps des moissons.

Nous n'aurons qu'à cueillir, savourer, engranger

Les festins de plaisirs du printemps retrouvé.

Avant que nous écharde la brûlure de l'été.

Seul de sa fratrie l'aîné de nos saisons

Autant que généreux sait être raisonnable

En habillant nos vies d'une douceur charitable.

L'agonie de l'hiver nous laisse sans pitié

Et c'est sans un soupir, sans même une pensée

Pour la magnificence des feux de cheminée

Que dans une envie folle, un élan, une grâce

Nous jetons d'un sourire une nappe sur la terrasse.


Écrire commentaire

Commentaires: 0