À une pierre de lune tombée dans le jardin
J'ai aiguisé ma plume pour m'écrire un destin.
J'ai soudoyé l'orage pour qu'il emporte ailleurs
Le bruit et la fureur de tout ce qui fait peur.
À une plume d'hirondelle j'ai raconté ma vie
Pour qu'elle emmène au chaud mes chagrins, mes soucis,
Comme elle était de celles qui reviennent toujours
Je lui ai précisé un aller sans retour.
À une vague un peu triste j'ai confié dans la nuit
Le secret des nuages qui lui offrent la pluie,
Elle a eu l'air surprise d'imaginer qu'au ciel
Des gouttes non salées, des soeurs confidentielles
Ont appris à voler dans le porter du vent
Qu'elles voyagent sans écume sur tous les continents.
J'ai tissé de dentelles des mots sur du velours
Pour que d'une étincelle naisse un nouvel amour,
J'ai soufflé sur les braises d'un feu agonisant
Il m'a dit sois bénie, sans toi j'étais mourant
Je chaufferai tes jours, tes nuits et tes heures blanches
Je caresserai tes mains, tes seins et puis tes hanches.
J'ai échangé ma peine contre un morceau d'azur
Mon coeur était en berne, j'ai pratiqué l'usure
Je paie chaque semaine d'une larme un peu feinte
Des trésors de tendresse, des baisers, des étreintes.
J'ai appris la lumière, la brise, la liberté
D'un cheval de Camargue qui m'avait murmuré
Rien ne sert d'être fière avant que d'être libre
Rien ne sert de dormir avant que d'être ivre.
À une rose coupée j'ai chuchoté les champs
La joie des tournesols dans le soleil levant
Elle a un peu pleuré mais pour une prochaine vie
M'a juré qu'elle aussi fleurirait sans chichi.
J'ai pourchassé le temps, il m'a semée plus vite
Que la vitesse du son ou des météorites
Alors pas rancunière, j'ai repris ma balade
Je traverse la vie comme une promenade.
J'ai montré au printemps les couleurs de l'automne
Il y eut un peu d'envie à l'or de sa couronne,
Aussi pour me garder dans ses câlins jaloux
Il a mis sur ma peau ses rayons les plus doux.
J'ai maquillé ma bouche des rouges les plus carmins
Pour attirer le miel, le désir et le vin.
À un coeur brisé j'ai redonné l'envie
De regarder au loin d'où viendra l'éclaircie.
À un gamin des rues j'ai cousu l'ambition
De devenir l'orgueil de sa génération
Pour qu'il fasse une force de tant d'indifférence
J'ai raconté les livres qui sont comme une chance.
J'ai traqué la bêtise comme une bête immonde
Son odeur de vermine, méchante et vagabonde
Je lui ai fait savoir mon mépris le plus noir
Pour que n' hurlent plus jamais ses chants de désespoir.
J'ai vu la coccinelle boire la tendre rosée
D'un matin de soleil au plein coeur de l'été
J'ai compté sur ses points son âge et puis le mien
Elle a dit ne sais-tu que le temps ça n'est rien
Qu'un délire des hommes inventé de toutes pièces
Il fait venir le soir, le noir et la vieillesse
Éloigne toi de sa rive, reste dans la lumière
Elle te gardera belle sans demain, ni hier.
Je me suis donc couchée dans ces heures magiciennes
Et je vais y danser pour les mille ans qui viennent.
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