Convergences

       Nous rencontrons un peu partout des aficionados de causes plus ou moins désespérées prêts à se battre pour faire entendre leur voix, défendre leurs convictions et mener leur combat. Chacun lutte avec ardeur contre ce qu'il ressent comme une injustice, une régression, une atteinte ou un danger pour lui-même ou pour tous. Toutes les formes de contestation sont représentées, des plus organisées aux plus anarchiques. Associations ou fondations diverses côtoient des Don Quichotte des temps modernes qui luttent seuls contre leurs propres moulins à vent. Tous ont la foi chevillée au corps du bien fondé de leurs aspirations et de la nécessité de livrer bataille. Ils sont donc des milliers à témoigner, bousculer, assigner la société à entendre leur point de vue pour la rallier à leur cause. Le plus souvent elle s'avère juste. Pourtant autant dire les choses, les lignes bougent si peu malgré l'énergie déployée qu'on s'interroge. Comment malgré les seins nus des Femen, les vidéos L214, la ténacité des lanceurs d'alerte etc la société ne réagit-elle pas plus vite et surtout n'évolue-t-elle pas davantage ? Qu'ils sont nombreux à militer depuis des années contre un manquement sociétal ou un autre sans réussir à faire avancer les choses ou de façon si partielle que cela en devient anecdotique.

Quelle conclusion tirer de cet état de fait ?

Et si tout simplement trop de causes tuaient LA CAUSE !

        Et si nous avions tort de ne réfléchir et nous indigner qu'en fonction de nos intérêts voire de nos sensibilités personnelles qui nous aveuglent et nous enferment plus qu'ils ne nous inspirent. C'est un piège stérile que de se cantonner à un problème de société quand le problème est la société elle-même !

        Seule la convergence des luttes peut apporter des réponses.A tous ceux qui mènent au quotidien une guerre sans merci au mal qui les touche le plus, je suis tentée de dire regroupez-vous, échangez, faites front commun de vos idées et de vos engagements. Entrechoquez vos révoltes, quelle que soit votre colère, elle n'a qu'à s'enrichir de celle des autres car à la vérité elles sont quasiment toutes la résultante d'un même fléau : l'ultra-libéralisme et ses modèles économiques visant à asservir la foule des uns au profit d'une poignée d'autres. S'ensuit une attitude de masse mortifère menant au repli sur soi et à l'individualisme forcené. Tellement forcené que même nos révoltes sont devenues personnalisées ce qui nous empêche de les partager rendant de ce fait nos luttes particulièrement inefficaces.

Résultat : quelques individus 1 / humanité 0

        Chacun est donc libre de se choisir sa petite fureur personnelle et de lui livrer un combat en solitaire perdu d'avance, alors qu'en prenant un peu de hauteur et en regardant autour de soi les problèmes d'un point de vue plus global, en ne les pensant plus en épi-phénomènes  mais comme les conséquences d'un même mal peut-être serait-il moins utopique d'espérer les résoudre. Pour cela il convient avant tout d'identifier le plus grand ennemi commun.

        Ainsi aux militants climatiques, féministes, alter mondialistes, contre les lobbies pharmaceutiques ou autres, pour la défense d'un patrimoine ou d'une culture, contre les OGM, pour la défense des enfants et des personnes âgées dépendantes, contre la réforme de l'orthographe ou l'élevage des poules en batterie ou tout autre projet destiné à améliorer notre société, il convient de dire, nous nous battons tous pour une même idée, naïve et fourvoyée mais seule digne : un monde meilleur.

        Il n'existe pas de cause ou d'ambition qui mérite seule d'être défendue. Et les quelques victoires obtenues ici où là dans tel ou tel champ d'action le prouvent. Elles ne servent à rien tant qu'autour le même marasme continue d'asphyxier le plus grand nombre. On peut recoudre toutes les plaies d'un corps, quand l'hémorragie est interne, l'issue reste fatale !

Si nous ne sommes pas capables de penser plus loin que nos émotions même les plus justifiées, il n'y a aucun intérêt à les défendre. Seule la réflexion menée non pas sur les difficultés mais sur leurs origines permettra d'en comprendre les mécanismes si étroitement imbriqués les uns dans les autres que rien n'est possible sauf à s'attaquer à leurs fondements.

        Inutile de rêver, l'affaire est perdue depuis longtemps.

        Une société de liberté, de respect, de tolérance et surtout d'équité est un vœu pieu depuis la nuit des temps et n'a aucune chance de voir le jour dans le monde d'aujourd'hui, mais plus nous serons nombreux à le dénoncer plus nous aurons de poids pour en limiter la course infernale au profit et à la déshumanisation. Il est trop tard pour un monde parfait mais il est encore temps pour une convergence mature et raisonnée de nos différentes exaspérations puisqu'elles sont toutes les fruits d'un même arbre : la logique mondialisée du règne capitaliste. 

        Je ne parle pas là de politique, le pouvoir n'est plus exercé en son sein. Je parle d'une société gérée, conceptualisée par l'économie érigée en valeur fondamentale. L'argent n'est pas le nerf de la guerre, il est le nerf de toutes les guerres et c'est en s'attaquant à son despotisme qu'on pourra ensuite combattre les myriades de problématiques qui en découlent...


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