La lune et des poussières

Il lui donnait la lune à chaque heure de chaque jour de chaque saison. Il volait du temps à l'azur pour lui faire des bouquets qu'il enrubannait de chants de rossignol et de rouge coquelicot. Elle s'en nacrait les paupières et les rêves en souriant mais il voyait bien qu'il flottait toujours au coin de ses lèvres aimantes un rayon de mélancolie. Parfois une pointe de lassitude embrumait l'inclinaison qu'il avait pour elle, ce pari fou qu'il avait misé un soir d'automne de devenir pour elle le plus court chemin vers la vie en plus grand lui apparaissait comme un destin aussi vain que l'enfer de Sisyphe . Il était Don Quichotte mais elle ressemblait plus à un moulin à vent qu'à Dulcinée. Pourtant parfois au secret d'une étreinte il lui semblait qu'un petit arc en ciel fleurissait dans ses prunelles. Le plus souvent elle l'arrosait de quelques larmes mais tout de même il ne les avait pas rêvés ces éclats de lumière tremblants comme les couleurs d'un vitrail dans la douceur du couchant. C'était là, à portée de baiser, il avait au bout des doigts de quoi la faire sienne plus sûrement que par le simple prisme de l'amour et du désir. Alors il rangeait sa colère naissante et retournait dans l'arène. Il l'assaillait de toute la gamme des émotions qu'il connaissait. De la plus tendre à la plus cruelle quelquefois, il la bousculait de mots de miel, l'épuisait de désir, l'écorchait d'indifférence. Il lui apprenait la musique sublime, glissait à son oreille les rimes les plus pures, à son nez l'odorante caresse du romarin. Il la livrait à tous les vents des collines leur intimant d'envoler ses doutes et ses chagrins... Mais toujours dans le soir cette ombre resurgissait dans son regard. Elle l'aimait, il savait qu'elle l'aimait. D'ailleurs elle n'en faisait aucune discrétion, ni face à lui, ni face au reste du monde. Cet amour était pour lui une source d'infinie quiétude autant qu'un léger étouffement. Comme ces colis pas vraiment lourds mais si terriblement encombrants qu'on ne sait par où les prendre. Il ne savait par où la prendre, à chaque fois qu'il croyait enfin la saisir elle lui échappait des mains et tout semblait à refaire. De nouveau la valse lente des chuchotis sucrés et des matins d'épice, de nouveau les soupirs mauves et les yeux cernés...

Cette histoire n'a pas d'âge ni de pays, elle est d'hier et d'aujourd'hui, d'ici et de n'importe où, elle sera toujours et partout dans la tête des hommes et le cœur des femmes. Aussi longtemps que les hommes ignoreront les poussières, on pourra la raconter. Je vois les femmes sourire et les hommes s'intriguer. 

Des poussières? 

Bien sûr que les femmes veulent la lune, la lune et des poussières...


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