La Poèmie

Je me sens d'un pays immense et tout petit

Il n'a pas de frontière et c'est lui qui choisit

Les âmes plus légères à naître dans sa lumière.

Ici pas de réel pour s'encombrer d'ennui,

Il peut faire si clair au secret de minuit

Mais sur le plein midi un noir de poussière

S'invite quelquefois pour nous faire tragédie.

Mon pays c'est le terre, c'est ailleurs, c'est ici

C'est n'importe quel sol, de mer ou de désert,

C'est l'air que je respire, le nacré de ma vie,

C'est le puits, c'est la source, c'est le ver et le fruit.

Certains soirs c'est l'enfer, le feu sur les prières,

Le sommeil n'est pas lourd pour qui s'éteint ici,

Sur les malheurs du monde, sur l'amour, l'utopie

On se mouille les paupières, on pleure et on espère.

Les poémiens sont fiers de leur esprit maudit

Condamné volontaire à risquer la folie.

Sur les maux, sur la guerre le miracle d'un vers,

La tendresse séculaire des mots en chuchotis,

Léger murmure d'eau claire, la vie en clapotis.

D'audace et de mépris humilier l'ordinaire.

Les larmes des poémiennes sont rouges comme le rubis,

Frileuses sur la misère, leur souffle raccourci

Murmure sur aujourd'hui la douceur des hiers.

Mon pays c'est le ciel achalandé de gris

Ou d'un bleu immortel piégé sur l'Italie,

C'est le sucre et l'amer, le rire et la colère

C'est la caresse du vent sur mon après-midi,

L'envol du goéland vers le grand infini,

L' avenir et l'antique en amants légendaires.

Il faut marcher longtemps, chevaucher plusieurs vies,

Traverser des torrents, nager des eaux contraires,

Affronter des géants, s'indifférer du bruit,

Du vacarme des hommes ivres de barbarie,

Pour enfin un matin franchir la rivière,

Sans passé, ni valise, aux portes du paradis

Dans un élan d'espoir entrer en harmonie.

On ne ressort jamais de ce discret repère

C'est de l'éternité que se monnaie le prix

Du pari insensé de relever ce défi,

Oublier ses projets, ses souvenirs et ses frères,

Se maquiller d'azur et se laver de pluie.

Adopter une étoile pour s'en bâtir un lit,

Y dormir en rêvant à l'amour d'un corsaire

Joyeux comme un enfant aux belles joues arrondies

D'un trop plein de soleil sucré de fantaisie.

S'émerveiller toujours des heures crépusculaires

Y cacher ses cauchemars et sa mélancolie

S'émouvoir le regard d'un peu de nostalgie

Et bouleverser sa bouche de baisers éphémères.

Je suis de ce pays immense et tout petit

Sur ma ligne de chance, l'exil en Poèmie...


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