Aimer l'Italie

Aimer l'Italie plus que de raison

S'y offrir le temps lent de la saison.

Comme on aime un homme, sans savoir pourquoi

Comme aiment les enfants, parce que c'est comme ça!

Aimer l'Italie jusqu'avec la peau

Perlée de soleil, mordue par l'azur

Sa caresse de feu derrière le rideau.

En porter la trace d'une mèche de miel

Et à sa tendresse se dorer le dos...

Aimer l'Italie du soir au matin

La manger des yeux, lui prendre les mains

Lui parler tout bas, lui confier ses doutes

La prendre à témoin, se perdre à ses chemins

L'avoir en boussole de toutes ses routes...

Aimer l'Italie par-dessus la jambe

Sans souci du monde ivre de furie

Goûter les accents de mains volubiles.

Se faire silence de o et de a

Qui parfois s'enlacent à devenir i...

Aimer l'Italie en toute confidence

Cacher sa lumière entre ses paupières

Et boire à la source le ciel et la mer...

Aimer l'Italie comme on prend le train

Se rire du vent, jouer son destin

À la prochaine gare, au prochain demain.

Mais d'abord la nuit étoilée d'amour,

L'aimer comme Juliette aimât Roméo

Jusqu'au bout du drame, la peine en écho

Se recouvrir d'ocre, de bleu et de noir

Et noyer sa peine aux couleurs du soir.

Aimer l'Italie à travers les siècles

Ses baisers de marbre, imbibés de vin

Échangés dans l'ombre et l'odeur des pins.

Dans le brouhaha des clairs crépuscules

La mémoire des hommes chante la péninsule.

Aimer l'Italie sans dessus-dessous

S'y frotter les joues, lui mordre le cou

S'en mettre partout, par dessus la tête

Lui masser les pieds, enfiler sa botte.

Aimer l'Italie même avec la bouche

S'en sucrer le museau, s'en piéger de sel

Y tremper les lèvres et avoir des ailes.

S'en remplir le verre, l'assiette et le cœur

S'en mettre plein le ventre de toutes les saveurs.

Aimer l'Italie un peu pour de rire

Sans être fidèle, sans avoir promis

Semer son sourire dans d'autres ailleurs

Et revenir toujours l'âme en migration

Qui ne sait voler que sa direction.

Aimer l'Italie jusqu'au bout du monde

Remercier le ciel de la terre ronde

Remettant toujours la ligne de la course

Sous un fil à linge tendu au balcon.

Quitter l'Italie comme on quitte un homme

Que l'on aime encore, que l'on aime si fort

Qu'on pose dans la larme du dernier regard

Le secret désir, l'inavoué espoir

L'insensée promesse d'un jour la revoir...


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