Je vis dans du papier.
Des pages par milliers pour te garder en vie,
J'y dors et m'y console du vide de ton absence.
Partout et à chaque heure ils me parlent tout bas
Et c'est un peu ta voix qui déchire le silence.
Tes livres sont ma maison, ma paix et ma douleur
Ils sont ce peu de toi endormi sur mon cœur.
À l'arrondi d'un soir je confie ma tendresse
Ma main cherche au hasard une empreinte, un souvenir
Oublié sur la tranche, ton ancienne caresse.
Chaque titre te raconte mieux qu'une photo jaunie.
J'imagine ce jour où tu l'avais choisi
Celui-là plus qu'un autre avait su te séduire,
Aujourd'hui dans ses feuilles ton regard m'est rendu.
Je m'y roule comme un chat, la lune juste au-dessus,
Nous éclaire toi et moi comme en ce temps perdu
Des soirées d'autrefois quand résonnait ton rire
Puissant comme un orage et clair comme l'eau vive.
Que ne donnerai-je pas rien que pour son écho
Une seconde près de toi, mon chagrin en repos.
Tes livres sont les missels de tout ce que je crois
J'y furète, j'y farfouille, j'y faufile ma mémoire
De tout ce qui fut nous, de notre dernier soir,
Pardonne, pardonne-moi de n'avoir pas senti
Qu'on ne se reverrait pas ailleurs que dans ces pages
Héritage et vestiges de ton passé enfui.
Tes livres sont les buvards de mes larmes inutiles
Coulantes malgré moi sur nos destins fragiles,
J'en ai fait mon église, ma foi, mes évangiles
Et j'y prie chaque nuit d'une prière malhabile
« Rendez, rendez-le moi, par miracle ou pitié
Pour une dernière fois lui dire comme je l'aimais... »
Tes livres sont le vaisseau de mes prochains voyages
J'en ferai mon armure, ma valise, mon rivage
Je veillerai sur eux comme on veille un enfant
Pour qu'il n'arrive rien, pour que jamais ne meure
Ce petit peu de toi endormi sur mon cœur.
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