Les fleurs de la saison dernière

Où sont passées les fleurs de la saison dernière? Je les revois fragiles, pimpantes sur le champ, leurs corolles offertes aux caprices du vent. La palette de couleurs inondée de lumière sous le soleil d’avril était un enchantement. Elles racontaient la vie de la plus jolie des façons, frissonnantes au matin, abreuvées de rosée, alanguie à midi d’un sommeil immobile, piégées par la chaleur féroce du zénith. Dans le soir elles chantaient la fraîcheur retrouvée de la nuit qui s’avance sensuelle et apaisée. Certaines se sacrifiaient pour former des bouquets qui chuchotaient l’amour et embaumaient l’été. D’un pétale de velours elles distillaient l’espoir d’un possible bonheur à cueillir sans trembler. Maintenant que septembre s’enfonce vers l’automne, leur grâce de miracle s’est déjà envolée, les champs nus pleurent leurs éphémères fiancées tandis qu’au piège des vases les boutons ont séché. Bien sûr l’année prochaine d’autres viendront fleurir mais ce ne seront plus celles qui sont venues mourir pour me faire la vie belle sur le printemps passé. Merveilleux boutons d’or, sublimes roses fanées, lavandes odorantes et sensibles fleurs d’amandiers si seulement vous saviez comme je vous ai aimés...
Bientôt les chrysanthèmes fleuriront sur les tombes, accordées à ma peine elles me mettront au cœur le regret éternel de leurs sœurs oubliées, petites jouvencelles d’un temps pour moi sacré, je pleurerai longtemps les âmes végétales de ces petits miracles, les fleurs de la saison dernière.