À la plage de quel ciel, rosi de noir soleil
N'avons-nous pas confié le plomb de nos coeurs lourds
À quel secret sourire soufflé un soir de veille
Déjà évaporé par l'aube d'un nouveau jour.
Que sommes-nous d'autre au fond qu'un peu de froide écume
Chargée de sel, de sang, sanglot d'une mer vide
Comme le ventre des femmes rattrapées par la brume
Leurs rêves fécondés par des haleines fétides.
Berçons nos illusions, rions du faux espoir
Que le temps ne vole rien du rire des jeunes filles
À peine dit-on bonjour, qu'il est déjà bonsoir
Ce géant sur nos vies craquantes comme des brindilles.
Et dans la dernière heure, dans le dernier soupir
Comme il sera cruel d'abandonner au vent
La promesse du matin, l'écho du souvenir
Et la tendre saveur du miel et du safran.
Mais pauvres inconscients trop épris de l'instant
Nous caressons nos vies d'une main trop légère
De nos élans fébriles, nos errances, nos frôlements
On s'invente des aurores à s'ouvrir les paupières.
Nous refermons nos bras sur d'informes passions
Ombrelles pathétiques de nos esprits en peine
De la morne solitude de nos agitations
Nous les bernons d'amour, de plaisir et de haine.
À combien de projets avons-nous susurré
La foi et l'ambition d'en faire suffisance
Avant de défaillir, avant de renoncer
Avant de chalouper une nouvelle arrogance.
Des causes et des combats enrubannés d'orgueil
Nous font lever le poing, ensemble à la victoire
Mais la fatigue nous prend, nous amène au fauteuil
Nos révoltes s'endorment au murmure du soir.
Parfois traverse l'azur un nuage plus véloce
Rappelant à nos âmes la promesse éternelle
Le cortège du temps à l'appétit féroce
Sa marche indifférente étroite comme une passerelle.
Faisons semblant de croire qu'à chaque nouvelle saison
C'est de la même fleur que l'odorant pétale
Invite sur nos sens sa tendre exhalaison
Refusons de savoir qu'il tombera comme un châle.
Dans les ruelles sombres de nos consciences impures
Nous laissons nos terreurs pourrir de lâcheté
Tandis que nous dansons nos prières en armure
Aux larges avenues de nos absurdités.
Serait-ce de rage contenue pour nos vies de cristal
Qu'on les emploie surtout à perdre et à détruire
Le temps pourtant précieux et le monde ancestral
Mais ils riront encore quand nous cesserons de bruire...
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