Les enfants de Sanaa

Le soleil se couche sur Sanaa ocrant les contours séculaires de la vieille ville. Les derniers rayons adoucissent leur lumière jusqu'à devenir caresse. Des particules de sable porté par la brise du soir, encore chaud de la journée ordinaire, s'immiscent partout dans les maisons, sur les terrasses jusque dans les lits des enfants. 

À quoi rêvent les enfants de Sanaa?  

Ont-ils le sommeil lourd et paisible de leur âge? Quel âge ont-ils ? Quel âge a-t-on réellement dans le bruit de la guerre et l'infamie de la famine? 

Avoir six mois au sein asséché d'une mère qui n'a pour nourrir son bébé que sa terreur et son désespoir. Avoir deux ans et ne pouvoir courir ailleurs que sous les bombes et sous les regards vides d'adultes ivres de dignité perdue dans la peur et la faim. 

Avoir six ans. Miraculeusement. 

Avoir tenu si longtemps, nourri d'angoisse et d'incertitude. De quelle poussière sera fait demain, de quel côté de l'azur viendra l'oiseau de feu qui va tuer son père? 

Y a-t-il encore quelque part dans la ville une voix pour leur raconter la splendeur de leur terre, pour dire qu'il y eut un temps où les hommes l'appelaient l'Arabie heureuse? Reste-t-il une femme à la voix assez douce malgré l'enfer pour conter aux petits yéménites l'histoire de Salomon et de la reine de Saba? 

Savent-ils que leur pays est un berceau? 

Celui de l'humanité et que tous les hommes, de Sanaa ou d'ailleurs, même ceux qui aujourd'hui lâchent leurs bombes sur les petits corps décharnés et aussi ceux qui vivent loin là-bas de l'autre côté des mers, qui ne se sont jamais promenés dans les ruelles de cette ville hors du temps mais qui vendent les armes de cette guerre immonde (dont les français ) ont dans leur histoire le sable d'ici.

Nos origines à tous nous ramènent à un ventre de femme partie de ce territoire pour offrir le monde aux enfants de ses enfants...

Au Yémen 85 000 enfants de moins de cinq ans sont morts principalement de malnutrition depuis le début de la guerre. 

Aujourd'hui à Stockholm les principaux belligérants et leurs satellites car le Yémen n'est en fait que l'otage de puissants états voisins qui règlent leurs comptes sur son dos, se mettent autour d'une table pour engager des pourparlers de paix. 

Alors je sais, les gilets jaunes, le harcèlement sexuel, la mort de Johnny, les courses de Noël, je sais qu'on est tous très occupés à avoir un avis sur tout et une émotion pour chacun mais peut-être pourrait-on quand même trouver quelques minutes pour s'intéresser à cet espoir de paix, enfin pour le Yémen. 

Car à la vérité nous sommes tous des enfants de Sanaa...


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