Le temps récompensé

Secrètement rangés, des souvenirs bleu pâles

Dormaient dans mon grenier au fond d’une vieille malle.

Par la malice d’un vent soufflant comme une audace

La vie les a trouvés et mis dans sa besace.

Enivrés par l’air frais ils se sont ébroués

Et sont allés frapper aux grilles d’un portail,

Une mémoire incertaine les a laissés entrer

Intriguée de revoir leur face de médaille.

De cet ancien bouquet restaient peu de pétales 

Mais le vase était beau, d’un fragile cristal.

Arrosée de virgules, petits soupirs fugaces

Une fleur a tremblé de vouloir qu’on l’embrasse.

Alors mes souvenirs de turquoise passés

Ont coloré leurs joues d’un rouge de vitrail 

Et sont allés cueillir par delà les années

De quoi se restaurer à de tendres ripailles.

Le ciel était si bas, comme pour ouvrir le bal

Célébrant la victoire sur cette arme fatale

Que le fil des saisons aux serres de rapace,

Figeant sur les sourires des rancœurs de grimaces.

Il n’y eut que la lumière volée au plein été

Pour servir de frontière au feu de la bataille,

Une ville de pierres blanches a fermé ses volets

Pour être aux revenants un refuge de murailles.

Ce fut juste l’instant, la joie comme idéal 

La caresse du moment sur tout ce qui fait mal.

Ce fut tout en plus grand, la vie qui se surpasse

La revanche du présent, le passé qu’on agace.

Ce fut surtout des mots aux doigts entremêlés 

La mémoire de la peau chaude comme un chandail 

Ce fut comme un miracle, le temps récompensé 

De ne pas faire obstacle, de n’être qu’un détail.

 

Il arrive parfois que loin de nous trahir 

Les soirs et les matins viennent nous resservir.


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