Cher Alfred

Librement inspiré du poème À Ninon d'Alfred de Musset

 

 

Si vous me le disiez un jour, que vous m’aimez,
À vos pupilles d’or que pourrais-je répondre?
L’amour, nous le savons, est d’un si grand danger;
Il est sans compassion et pourrait m’effrayer;
De me faire ce mal je pourrais vous confondre.

Si vous me le disiez, que ma trop longue absence
Vous est une langueur, un absurde désir,
Mon âme délicate tout comme ma négligence
Se distrait, telle Cassandre à voir l’évidence
Peut-être vous dirai-je que j’ai vu vos soupirs.

Si vous me le disiez, qu’une tendre démence
Vous pousse à me chercher où que je puisse aller
Une mine incertaine et ma désespérance,
Aiguiserait, je le sais, de mes charmes la puissance,
Peut-être vous lancerai-je mon incrédulité.

Si vous me le disiez, que pèse sur votre esprit
L’écho de nos soirées et de nos badinages;
Une lueur de courroux, je le sais, mon ami
Affecte le miroir de l’œil le plus conquis;
Peut-être vous refuserai-je l’accès à mon visage.

Si vous me le disiez, votre navrant sommeil,
Vos larmes inconsolables, vos appels au seigneur
Mon cher, pour mon sourire, je sais que le soleil
A ralenti sa course pour m’en dire merveille;
Si vous me le disiez, m’amuserai-je de vos pleurs?

Mais je ne saurai pas, vous passez en silence
M’offrir compagnie sous la lumière du soir;
Vous écoutez mes mots, savourez ma présence,
J’imagine vos secrets et soupire d’aisance;
Mais je ne verrai pas de quoi me décevoir.

Vous sculptez votre cœur de bouquets sans épines;
Dans le noir je vous sens vibrer de ma chanson
Mes doigts frappent distraits des airs de comptines,
Et dans la farandole de nos humeurs mutines
Vous pensez me tenir d’une étreinte frisson.

À l’heure de nous quitter, pour convenir à l’ordre
Que vos pas lentement vous ramènent vers chez vous;
Votre mémoire déborde de ce précieux désordre
Ravi de solitude, las de bonheur à tordre,
Vous rêvez affamé de tout ce qui fut nous.

Vous aimez en niant la moindre inclinaison,
Vous aimez sans avouer, vous aimez secrètement
Et vous faites trésor de votre déraison;
Vous avez fait promesse d’aimer votre poison
Au goût de joie sincère, me voir est suffisant.

Car vous n’étiez pas apte à la félicité
De vivre et de mourir, en mon âme vous fondre.
Le ciel vous est témoin, vous restez affligé...
Si vous me le disiez un jour, que vous m’aimez
À vos pupilles d’or que pourrais-je répondre?



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