J'irai quand même

J’ai vu tellement d’amants qui se brûlaient les yeux
À se crier je t’aime d’un cil un peu humide
La grâce dans le matin de leur amour sublime
Déchirée par le soir et ses cruels adieux.
Ils auraient dû savoir que la valse des jours
Est un ogre affamé, friand de mots d’amour.
Ils auraient dû comprendre que le temps n’a que faire
Des serments éperdus et des tendres affaires.
Ils auraient dû partir avant les terres hostiles
Avant la tragédie des sourires malhabiles
Qui témoignent des cœurs qui ont cessé de battre
Dans la même chaleur, au feu du même âtre.
L’amour au fil des jours est une mer en furie
Née au sel des larmes d’amoureux éconduits,
C’est une louve obstinée à nourrir ses petits
Des éternels regrets, des douloureux dépits
Des ces couples immortels qui ont pourtant péris.
Et moi dans cet enfer, dans ce temple maudit
Où aucune prière jamais ne s’accomplit
Dans ce bout de la terre torride comme un désert
Ce jardin, cette prairie sacrée comme un sanctuaire
J’irai quand même,
J’irai aussi.
Je sais qu’à chaque matin tout sera à refaire
Je sais que le chemin sera jonché d’ornières,
Qu’on y tombe à genoux terrassé d’habitude
S’y rêvant un destin d’un lumineux prélude,
Alors même que déjà le désir volatile
Et le malentendu guettent comme une proie facile
Le premier de nous deux qui clignera des paupières
Oubliant une seconde l’absolu nécessaire:
Ne jamais renoncer, ne jamais se complaire
Croire qu’on est arrivé, qu’on a rejoint l’estuaire.
J’irai sans rien prétendre de tout ce qui sera
Mais l’amour est trop tendre pour qu’on n’y goûte pas.
Et si je dois répandre des cascades de peine
Me tordre de chagrin à m’en ouvrir les veines
J’irai quand même.
Parce que si le hasard ou juste un peu de chance
S’invitait à mon bal pour m’offrir une danse
J’aurais enfin trouvé de quoi donner du sens
À ces jours qui défilent et nous tissent existence.


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